C’est l’histoire d’un concert inoubliable…
Pour l’occasion d’un nouvel album concept « l’heure miroir », Matthieu CHEDID alias -M- et Thibault CAUVIN s’associent pour une tournée intimiste dans des salles de petites ou moyennes jauges.
La halle aux grains est donc l’écrin parfait pour cette intimité.
Dès l’introduction digne d’un western spaghetti, on observe un dialogue (un duel !!) entre deux artistes.
Au croisement d’un film de Sergio Leone avec ses silences assourdissants et d’une pièce de théâtre burlesque avec ces moments de comédie improbable.
Le tout enrobé d’une grande fantaisie.
Ces mots de Thibault CAUVIN:
« S’évader sans avoir de destination. […]Une musique qui mène nulle part mais qui invite à l’ailleurs » furent les premiers de longs échanges poétiques avec Matthieu CHEDID et le public.
Prose finement choisie car en effet j’ai voyagé…j’ai visité des contrées que je ne connaissais pas.
Et pourtant j’ai souvent voyagé dans l’univers de -M-. Même après huit concerts en vingt ans, le renouvellement perpétuel de cet artiste continue toujours de m’émouvoir.
Ce duo ainsi créé permet des changements de rythme bouleversants qui apportent des silences d’une grande qualité.
Nous reparlerons de cette qualité de silence lorsque viendra un moment suspendu un peu plus tard…
Les séquences singulières se succèdent et forment un ensemble polymorphe mais plein de cohérence. L’unité de l instrument faisant le liant.
Tout d abord, beauté et fantaisie en reprenant Desireless comme métaphore au voyage.
Nous poursuivons dans l’émotion et les frissons avec l’hommage à Toumani DIABATÉ, légendaire joueur de kora malien disparu il y a peu et avec qui -M- créera l’album Lamomali.
Reprise du titre Manitoumani, toujours sobrement instrumental naviguant entre Ry COODER et Jimi HENDRIX.
Puis vient la présentation des autres membres du groupe.
Ils ne sont pas que deux sur scène. Ils sont quatre et “les stars de la soirée” sont bien faites de bois et de cordes.
Un autre duel. Une autre symbiose.
Dans le coin rouge.
Guitare électrique fétiche de M, Fender Stratocaster de 1964, véritable bijoux acheté à 19 ans.
Dans le coin bleu.
Guitare classique et voyageuse dont on ne connaîtra pas les auteurs. A parcouru plus de 130 pays et constitua avec “la plus petite valise possible “ pendant 15 ans, l’unique bien matériel nécessaire au bonheur de Thibault.
Deux mondes parallèles
Deux façons de jouer de cet instrument.
Le jeu des différences.
La lecture du solfège en opposition à la liberté de l’improvisation créative.
Position assise pour l’un et position debout avec bandoulière pour l’autre.
Et si on inversait les mondes ?
Échange de guitares avec rituel de passage théâtral.
Les positions restent identiques quand soudain, Thibault avec toute sa fragilité poétique se met debout pour vivre son rêve de guitar-hero finissant à genoux.
Séquence incroyable associée à un moment de vérité où Thibault expliqua que Mathieu lui avait lancé ce défi en loges, le faisant ainsi progresser dans son apprentissage de guitariste rock.
Salué de sa prestation, Thibault renvoya la balle à son partenaire aidé par le public.. « avec les dents » lancé des premiers rangs lui permis d’éviter de chercher sa « vengeance ».
Le moment des hommages s’installe pour cette dernière partie.
Erik SATIE, pour commencer avec une sublime version d’une Gymnopedie lunaire précèdent une déclinaison à deux guitares d’une mélodie de BACH, « le plus grand compositeur de tous les temps » virevoltant dans les contrées électrique avec des riffs proches du woohoo child slight return de Jimi HENDRIX.
Envoûtante Spanish caravan des DOORS et de son guitariste Robby KRIEGER -joueur de flamenco à la base- enchaînant avec un solo de Thibaud sur une envolée lyrique classique. Classique dans le style mais nullement dans le geste tant finesse et technique virtuose s’harmonisent.
Plus qu’un concours de performance, ne symbolisant absolument pas l’énergie de nos deux poètes, c’est un voyage initiatique dans les références culturelles de chacuns.
Transgressant les codes de sa discipline, Thibault se sert de sa magnifique et délicate guitare comme d’une percussion.
Puis vient une réécriture flamenca des mots bleus de Christophe avec effets de pédale wah-wah.
Ce fut le moment de mettre pause. Écouter la beauté du silence une minute durant…suspendu sur un fil.
Quoi de mieux pour relancer la machine que la chanson signature.
Je dis M, écrite par sa grand-mère, Andrée CHEDID permettant de boucler la boucle.
Finissant dos à dos comme un duo de rock guitare-basse et aboutissant à une standing ovation de 5 minutes avant deux rappels de dingue.
Le premier, éclairés sobrement d’une mini lampe accrochée à leur manche de guitares, est composé de reprises du panthéon de la chanson française, de Serge GAINSBOURG à Françoise HARDY en passant par Charles AZNAVOUR (la bohème -Labo M-) et Louis CHEDID.
En réponse au derniers mots de nos deux artistes, la réciprocité est encore plus vraie.
« L’enchantement était pour nous » et « Merci aussi pour l’ouverture d’esprit »
Conclusion magnifique avec Imagine de John LENNON.
L‘envie de communier permis un deuxième rappel qui nécessita un rééquipage de micros pour une javanaise improvisée.
Une double claque de virtuosité et de libertés créatives. Un univers déjà connu d’un côté mais tellement imprévisible dans sa créativité.
Une découverte totale pour l’autre.
Le tout créant une alchimie parfaite pour un spectacle minimaliste et intimiste.
Merci Thibault CAUVIN.
Merci -M-
Photos © Nicolas BOUCHET